Entre 4 murs – 29 avril 2020
Les ex-détenus n’échappent pas non plus au confinement. À leur sortie de prison, leur réinsertion socio-professionnelle a été bousculée par les mesures de distanciation sociale mises en place pour lutter contre la propagation du Covid-19. Aux problèmes psychologiques s’ajoutent des difficultés administratives et professionnelles. Un retour plus que brutal à la société.
Le 6 mars dernier, Michel* est sorti de prison. Un événement qu’il attendait depuis longtemps. Il était alors loin de savoir qu’une semaine après, il se retrouverait confiné. Pendant quelques jours, il est resté en quarantaine dans sa chambre, au centre d’hébergement dans lequel il vit temporairement. Un « retour cellule » qu’il a particulièrement mal vécu. « J’étais libéré, mais de nouveau enfermé », raconte-t-il.
Enfin au contact avec le monde extérieur, il a eu beaucoup de mal à accepter le confinement. « En prison, on n’arrête pas de se faire une image de notre libération. Évidemment, rien ne s’est passé comme prévu. Je n’ai pas pu bouger alors que j’en rêvais depuis des années », confie-t-il. Pour Kris Meurant, coordinateur social à l’association Transit, ce dépaysement est tout à fait logique. « Le choc carcéral est déjà très fort. Si, pour nous, le confinement a été difficile, pour les ex-détenus, c’était la panique », explique-t-il.
Une insertion professionnelle au point mort
Aujourd’hui, Michel a hâte d’exercer son nouvel emploi. À la fin du confinement, il travaillera à l’université d’Aix-la-Chapelle. Un projet qui devait débuter le 13 mars.
Comme lui, l’insertion professionnelle de Willy* a été brutalement interrompue. Sorti de prison il y a environ six mois, il suivait des cours pour pallier quelques lacunes en écriture et en lecture. Une formation qui n’a pas pu se poursuivre à distance. S’il regrette les liens qu’il avait pu tisser avec les autres étudiants, Willy craint avant tout de perdre ses compétences. « Tout ce j’avais appris s’est un peu envolé », déplore-t-il.
L’impact du confinement sur l’insertion professionnelle est au centre des préoccupations de l’association de réinsertion Wake up Café. Domitie Bourgain, responsable de communication, revient sur le suivi des détenus en fin de peine, libérés en avance pendant le confinement. « En temps normal, chaque personne qui sort de prison a un plan d’avenir défini. Il est suivi pendant les trois mois précédant sa libération », explique-t-elle. Trois précieux mois qui ont donc manqué à certains ex-détenus, qui se retrouvent sans projet de réinsertion professionnelle.
Une pression administrative importante
Mais trouver un emploi nécessite aussi de mettre ses papiers en ordre. Or, « beaucoup de personnes sont surendettées après leur libération, détaille Maxime Closset, intervenant psycho-social à l’association de réinsertion Après. Ils doivent payer les factures qui se sont accumulées, des amendes pénales, les frais de justice ». Faire des démarches pour toucher le chômage, ou se mettre à jour administrativement n’est pas une mince affaire en temps normal. Et ces difficultés sont accentuées pendant le confinement.
Willy, par exemple, confie que « pour les papiers, c’est embêtant ». Il doit respecter certains horaires de sortie, conformément aux règles qui encadrent le port de son bracelet électronique. Les heures d’ouverture des administrations ne sont souvent pas en accord avec ses propres contraintes. « Parfois, je fais la file pendant longtemps, puis, lorsque vient mon tour, c’est trop tard, je dois repartir », explique-t-il.
Comment rompre l’isolement ?
S’il n’a pas eu de mal à accepter le confinement, qui ne bouleverse pas considérablement ses habitudes, Willy regrette le manque de contact avec les autres. Un sentiment d’isolement partagé par Michel, qui est cependant heureux de pouvoir compter sur son avocate, sa psychiatre, et son assistante sociale.
Comme eux, de nombreux ex-détenus ont adapté leur suivi aux contraintes actuelles. L’association Wake up Café a mis en place des soutiens téléphoniques personnalisés pour garder le contact avec ses bénéficiaires. Pourtant, les organismes déplorent des problèmes de communication. Valérie Gilmas, responsable d’insertion à Wake up Café, note par exemple que certaines personnes ne disposent pas du matériel informatique nécessaire au suivi à distance. Des outils qui leur permettraient de « rompre l’isolement ».
L’insertion sociale des ex-détenus, en possession ou non d’ordinateurs ou de téléphones, est considérablement freinée par le confinement. « Notre boulot, c’est de faire du lien, résume Kris Meurant de l’association Transit. Mais comment faire du lien avec un mètre de distance et un masque ? »
* Par souci d’anonymat, les personnes interviewées n’ont pas souhaité communiquer leur nom de famille.
Brianne Cousin
Dessin d’illustration réalisé par Marion Fontaine