Par Guillaume Mollaret
Mis à jour le 08/08/2016 à 20h29
REPORTAGE – En déplacement, lundi dans la prison symbole de la surpopulation carcérale, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 200.000 euros pour une étude liée à une éventuelle extension.
Nîmes
Les murs sont moisis. Le crépi s’écaille et les fenêtres grandes ouvertes ne parviennent pas à ventiler une cellule non isolée de 9 m2 occupée par trois détenus. Maison d’arrêt symbole de la surpopulation carcérale, inaugurée voilà quarante-deux ans, la prison de Nîmes (Gard) loge actuellement 406 personnes sous écrou, pour une capacité théorique de 192 places. Un taux d’occupation de 211 % qui a valu l’an dernier à l’établissement un rappel à l’ordre du Conseil d’État. «Depuis, nous avons notamment amélioré l’accès aux produits d’entretien et d’hygiène à l’attention des détenus», assure Luc July, le directeur de la maison d’arrêt. Malgré cela, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, n’est pas «venu (ce lundi, avec le premier ministre Manuel Valls, NDLR) à Nîmes pour faire une annonce». À peine a-t-il concédé qu’une enveloppe de 200.000 euros a été débloquée pour une étude liée à une éventuelle extension qui, si elle est réalisée, devra être pensée intra-muros. «Nous sommes dans un ministère qui a peu d’argent et qui ne le dépense pas toujours comme il le faudrait», a concédé le ministre.
Illustration à Nîmes: une salle de musculation flambant neuve a été aménagée mais elle est aujourd’hui vide de matériel, car «le marché pour l’achat d’appareils n’a pas été fait en même temps que celui de l’aménagement. Avec le prix que tout cela coûte, on aurait pu équiper les cellules de douches individuelles chez les hommes, qui sont aujourd’hui contraints à une douche collective», avance Frédéric Pallini, représentant syndical Ufap-Unsa-justice au sein de la maison d’arrêt. Une anecdote contée sur le ton du regret, car les mauvaises conditions d’incarcération sont pour beaucoup responsables de violences dont est victime le personnel pénitentiaire (18 agressions depuis le début de l’année). «Depuis cinq ou six ans, on sent la pression monter», constate Luc July. «En général, ce n’est pas une violence nourrie par de la haine envers nous mais davantage par l’exaspération. La majorité d’entre nous a la quarantaine alors que de nombreux détenus ont plutôt entre 20 et 30 ans. Dans l’ensemble, la différence d’âge instaure une forme d’autorité», tempère un gardien.
À la cellule d’accueil des arrivants, un surveillant déplore: «Les conditions d’accueil ne sont vraiment pas idéales pour préparer au choc de l’incarcération. C’est d’autant plus critique que c’est ici, dans le quartier arrivant, que l’on est censé être les plus à même de détecter un comportement suicidaire.»
La surpopulation est ici telle que la nursery – où les enfants peuvent être éduqués jusqu’à leurs 18 mois – a été, en l’absence actuelle de bébés, transformée en cellule collective dans le quartier féminin. «Nous sommes en surencombrement chronique», a déploré un gardien face au ministre de la Justice et à Manuel Valls.
Vétuste, le parloir fait lui aussi partie des priorités de rénovation de la maison d’arrêt. De l’aveu même du directeur de la prison: «La promiscuité, la chaleur et le bruit peuvent transformer ce qui est censé être un moment apaisant en moment de tension.»